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Focus sur Le Collectif Des Blocs, Jumelles d'or 2020

mercredi 26 mai 2021

" Ces art invaders forcené·es programment le regard créateur des gens du quartier, qui résulte en une succession d’iconographies inédites : celles
d’un Bruxelles que l’on souhaiterait universel." : quelques mots pour commencer à décrire le travail du Collectif Des Blocs, à qui le Comité belge de la SACD a remis ses Jumelles d'Or. Découvrez ici une bio, un éloge par Antoine Neufmars, et un entretien avec les lauréats que nous félicitons encore chaleureusement !


Les lauréats

Chaque été, le Collectif Des Blocs organise des ateliers créatifs et participatifs à la Cité Modèle de Laeken avec les habitant·es du quartier. Ensuite,
lors d’un festival à la rentrée, aux côtés d’autres artistes, ces créations sont mises à l’honneur dans différents recoins du quartier, même les plus insolites. Pour finir, pendant les mois qui suivent le festival, les créations des ateliers partent en tournée pendant le Tour Des Blocs dans différents lieux culturels en dehors de la Cité Modèle. Le projet a une double ambition : valoriser le vivier de talents du quartier et faire connaître le patrimoine architectural, immatériel et culturel de la Cité Modèle ; avec un désir fort : fédérer différents publics du quartier autour d’un projet artistique commun.

 

À lire, à voir

. www.desblocs.be

bela.be/prestataires/des-blocs


Les Jumelles d'Or

Les Jumelles d’Or sont des mises à l’honneur symboliques annuelles de la part des membres du Comité belge de la SACD pour donner un coup de projecteur à des personnalités et/ou collectifs qui œuvrent en faveur des auteurs et autrices, de la création et la diversité culturelle en Belgique.


L'éloge de Antoine Neufmars

À la Cité Modèle, les souvenirs de la Méditerranée, des Balkans, colorent les tours utopiques. Il y a aussi des jardins où des rêves d’ailleurs se
dessinent, où des habitant·es et des bénévoles décident ensemble d’inverser le regard sur ce territoire de béton. Mais attention, nous ne faisons pas du social, nous sommes dans un rapport artistique, de co-création, c’est ce que me rappelle Dimitri, un des membres actifs Des Blocs. Chacun·e décale son point de vue ici, personne n’est là avec ses gros sabots, on s’éveille mutuellement, c’est une opportunité pour chacun·e de transformer son quotidien, de changer son rapport au monde. Quand on rigole sur l’étiquette de Kourtrajmé à la belge, il assume. Ce serait notre rêve le plus fou, créer une école de cinéma, pour accompagner les rêves d’art des jeunes du quartier, et formaliser une pédagogie unique, qui s’inventerait chaque jour. En attendant cette rentrée des classes idéale, ces art invaders forcené·es programment chaque année, à travers leur festival, le regard créateur des gens du quartier, qui résulte en une succession d’iconographies inédites : celles d’un Bruxelles que l’on souhaiterait universel.
 
Antoine Neufmars,
Présidence du Comité belge de la SACD

Artistique, social et participatif: Le Collectif Des Blocs repousse les murs de la Cité Modèle

Le Collectif Des Blocs valorise et encourage la créativité des habitant·es de la Cité Modèle de Laeken depuis 2015. Un projet inclusif et exigeant, qui est aujourd’hui à la fois reconnu et fragilisé.

On essaie en général de citer le moins possible de noms : on parle vraiment du Collectif dans son ensemble, on veut être inclusif·ves et englober tou·tes les participant·es et même tou·tes les habitant·es du quartier. On fait ça chez elles et avec eux, c’est donc important que ce prix des Jumelles d’Or leur revienne. Le Collectif Des Blocs, c’est vraiment toutes ces personnes-là, explique Daphna Krygier, à qui il me faut désobéir en la citant : elle est l’une des coordinatrices et chevilles ouvrières du projet. Chaque été, entre les murs de la Cité Modèle résonnent des ateliers de cinéma, théâtre, musique, radio, photographie et calligraphie organisés pour les jeunes (et moins jeunes) habitant·es du quartier. À la rentrée, le Festival Des Blocs programme les créations produites durant l’été aux côtés d’œuvres d’autres artistes. Le Tour des Blocs, finalement, ouvre encore plus grand les portes de la Cité : les œuvres du Collectif s’exportent, programmées dans des lieux partenaires à Bruxelles et ailleurs.

Création spontanée, gouvernance horizontale et exigence artistique

Tout commence par une rencontre : l’asbl Les Meutes souhaite tourner un film dans la Cité Modèle et prend contact avec l’asbl City-Zen qui œuvre sur le terrain auprès des jeunes de la Cité, en lien déjà avec d’autres organisations culturelles ou associatives du terrain. Né spontanément du rassemblement de toutes ces structures, le Collectif Des Blocs défend un mode de gouvernance horizontal et organique. Des dizaines de bénévoles chaque année, des centaines de participant·es depuis le lancement du projet en 2015 et autour d’un millier de spectateur·trices par édition : le projet est à la fois tentaculaire et simple. Il fonctionne comme il est né : presque naturellement, en partant des envies des habitant·es et des possibilités offertes par les forces vives des associations de terrain. On a commencé avec quatre ateliers dans quatre disciplines différentes et entre 15 et 20 participant·es par atelier. Tout s’est toujours fait de manière très intuitive : les propositions émergent de demandes d’habitant·es ou d’associations puis on co-construit les choses ensemble. Le projet a toujours été validé et soutenu par le terrain, précise Daphna Krygier. Le Festival permet d’encourager, de développer et de mettre en valeur la créativité des habitant·es tout en valorisant les espaces communs de la Cité et en permettant à tou·tes de se les réapproprier. L’autre objectif est d’y accueillir l’extérieur, d’inviter dans le quartier une population bruxelloise qui le connaît mal. La triangulation entre l’artistique, le social et le participatif mais aussi celle qui relie les objectifs du Collectif, les envies des participant·es et les attentes du public sont toujours en mouvement, sans cesse questionnées et renouvelées. On a toujours une grande envie de qualité et d’exigence artistique, explique Casimir Pesztat. On doit doser les choses pour trouver un juste milieu : il faut que les participant·es ne ressentent pas une pression qui pourrait être décourageante, mais au contraire une exigence qui soit stimulante, précise Karim Akalay. Tous les deux sont actifs dans le Collectif et naviguent entre social et artistique.

De la participation à l’organisation : une histoire de confiance et de transmission

Alvin Mpase a d’abord participé aux ateliers avant d’intégrer l’organisation du Collectif et d’encadrer lui-même des groupes de jeunes. Ça m’a valorisé, explique-t-il, quand tu vois le fruit de tes efforts sur l’écran, à la fin de la projection, c’est une sensation incroyable. Tu te dis que tu as créé quelque chose alors que t’aurais jamais pensé que tu pouvais faire du cinéma ! Quand j’ai compris ça, j’ai voulu le transmettre à d’autres. Il souhaite accompagner les jeunes dans la prise de conscience de leur potentiel créatif et les encourager à trouver leur place et leur voie. Il souligne : au sein du Collectif, en fonction de ce que tu veux faire, de ce qui t’intéresse, de tes objectifs, on te laisse la place : si tu veux te lancer, tu y vas. Elle est là, la grande réussite du Collectif Des Blocs : donner confiance aux jeunes, repousser avec eux les murs de la Cité, élargir leur regard, leurs espaces, leurs rêves et leurs possibilités d’action. Pour Karim Akalay, le succès de l’opération s’explique en partie par cette porosité entre participant·es et encadrant·es : On a nous même grandi à la Cité Modèle, on connaît le terrain, les strates, les populations. On a une légitimité aux yeux des participant·es et on représente pour eux des modèles réalistes, accessibles. On ne doit pas aller les chercher dans leur lit : ils se réveillent avec l’envie de nous rejoindre et de créer ensemble.

Reconnaissance et fragilisation

À l’heure où le Festival et ses qualités d’inclusion, de diversité et d’exigence artistique sont salués et mis à l’honneur, le projet est également affaibli. Le Collectif est soutenu par de nombreuses institutions : le Théâtre National ou Article 27 sont ses partenaires historiques, le CIVA, le Pianofabriek ou encore la Villa EmpainFondation Boghossian programment certaines de ses productions et lui offrent des cartes blanches. Les milieux culturel et associatif reconnaissent tous deux l’importance du travail effectué à la Cité Modèle : il n’est pas si fréquent de former une nouvelle génération de créateurs et créatrices qui n’ont habituellement pas accès au chemin classique de la création subventionnée. Il est également plutôt rare de mettre d’accord le social, l’artistique et l’humain dans un projet d’une telle ampleur et d’une telle qualité. Parallèlement, la dernière édition du Festival, prévue le 3 octobre dernier, a dû être annulée : sans autorisation du collège de la Ville de Bruxelles, le Festival ne pouvait avoir lieu. L’ensemble du Collectif réaffirme aujourd’hui sa volonté d’instaurer un dialogue actif et constructif avec les autorités afin de pérenniser cet événement qui contribue à l’ouverture du champ des possibles non seulement des jeunes habitant·es de la Cité Modèle, mais également d’un secteur culturel qui se voit nourri et enrichi des créations qualitatives qui en émanent.


Pour aller plus loin

. Pour tout savoir sur le palmarès, vous pouvez lire en ligne ou télécharger la publication dédiée.

. Voyez la remise des Prix en vidéo ici...

. ... Et découvrez des photos de la cérémonie et ses coulisses là !

Focus sur Le Collectif Des Blocs, Jumelles d'or 2020