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Focus sur le collectif "Elles font des Films"

mardi 16 avril 2019

Le collectif a été créé il y a deux ans pour donner une visibilité aux femmes gravitant dans le monde du cinéma mais aussi faire levier pour diminuer les inégalités structurelles. Retour sur l’initiative.

 

En 2017, la Fédération Wallonie-Bruxelles lançait l’opération 50/50, une célébration du demi-siècle d’aide à la création cinématographique. Pour accompagner la fête, 50 films avaient été retenus pour mettre en valeur ce précieux patrimoine belge. Mais, parmi les 41 cinéastes glorifiés, seulement 6 étaient des réalisatrices. La sélection tout sauf paritaire a rapidement été pointée du doigt puis critiquée de manière constructive. De nombreuses réalisatrices se sont très vite mobilisées pour lancer un appel à la communauté culturelle : “50/50 : où sont les femmes du cinéma belge francophone ? Les réalisatrices se rassemblent pour dénoncer une sous-représentation et réclamer la parité”. En quelques jours, elles seront 142 à suivre le mouvement. C’est finalement cet événement qui a débouché sur la création du collectif « Elles font des Films ».

Aujourd'hui, le collectif « Elles font des Films » s’est élargi aux professionnelles de l’audiovisuel (notamment les scénaristes, techniciennes et comédiennes) et compte plus de 200 membres.

Si tout ceci a suscité le besoin de créer une plateforme de réflexion et d’action pour la promotion des femmes dans le milieu cinématographique, le collectif est devenu plus ambitieux dans ses objectifs. Evidemment, le problème de la sélection 50/50 illustre un problème plus global et carrément sociétal, et il en est en quelque sorte le résultat. « Le mécontentement de la direction de l'administration du Centre du Cinéma suite à la critique du Collectif et la maigre réponse de Madame Alda Greoli, Ministre de la Culture, lors du bilan 2018 montraient à sa façon le chemin que les réalisatrices devraient faire pour être écoutées puis entendues » explique Sophie Bruneau, réalisatrice et scénariste membre du collectif.

S’il existe une parité sur les bancs des écoles de cinéma, celle-ci ne se retrouve ni dans l’attribution des aides plus tard ni dans la diffusion. En mettant ces soucis en lumière, c’est une remise en question globale que les réalisatrices ont opéré, à partir des discriminations qu'elles subissent. En Belgique, 50% des étudiants en école de cinéma sont des étudiantes et pourtant les femmes n’occupent que 20% des postes professionnels.

Alors, "Où sont les femmes?" Toujours pas là ! répond l'étude exploratoire sur la place des femmes dans les métiers du cinéma en Belgique francophone, diligentée par Madame la Ministre Isabelle Simonis et publiée en 2016 avec le soutien de la Fédération-Wallonie Bruxelles. Malgré plusieurs efforts ponctuels et les impressions de réussite, les chiffres et analyses établissent un constat négatif sans appel.

De 2010 à 2015, le Centre du Cinéma a soutenu 100 productions de longs métrages portés par des hommes et seulement 25 par des femmes. Sur les 225 films co-financés par Wallimage en 14 ans (2002-2015) : 11,5% sont des films de réalisatrices. Des chiffres qui sont révélateurs de l’industrie du cinéma dans son ensemble mais aussi du milieu culturel. Il existe peu d’initiatives politiques pour pallier l’absence de femmes occupant des postes à responsabilités, dans les jurys etc. Pourtant, il existe des pays où les changements sont visibles en matière de mesures constructives pour la parité, le Canada, la Suède, l’Allemagne et même la France s’y mettent.

Pour mettre en lumière tous ces manquements et aussi les changements dans le secteur, le collectif « Elles font des Films » organise depuis près de deux ans des rassemblements et diverses opérations.
Lors du festival « Elles tournent » en Janvier 2018, une rencontre animée par Hadja Lahbib soulignait le problème récurrent du manque de parité dans le milieu du cinéma et à la RTBF. En mars 2018, le collectif interpellait la Ministre de la Culture Alda Greoli face au manque de représentation féminine dans les jurys, dans les écoles, l’inégalité face aux subventions allouées, les discriminations, l'absence de modèles féminins dans notre imaginaire collectif, l'aliénation hommes/femmes et les rapports de domination masculine dans le secteur... Le collectif pointait aussi un sexisme du langage. Il a fallu par exemple attendre cette année pour que les Magritte du Cinéma ne renomment la catégorie « Réalisateur » en « Meilleure Réalisation ».

En juin 2018, « Elles font des Films » était aussi à la manœuvre lors d’une action coup de poing pour l’ouverture du nouveau festival bruxellois, le BRIFF (Brussels International Film Festival). Une trentaine de femmes arborait des pancartes dénonçant le manque de représentation féminine dans la programmation : seulement 4 films sur les 32 proposés étaient en effet réalisés par des femmes.
« Elles étaient d'autant plus en colère que le festival, fonctionnant sur fond public, avait été approché et sensibilisé par des réalisatrices du collectif à la problématique des inégalités structurelles hommes/femmes... Un constat supplémentaire qui illustre à quel point les obstacles structurels sont puissants et les ressorts de la domination bien ancrés, nécessitant un travail de prise de conscience pour entrevoir des actions volontaristes. Nombre de cadres et de personnes participent au processus d'invisiblisation des femmes le plus souvent sans s'en rendre compte, telle une évidence acquise. Et dans cette histoire patriarcale, l'aliénation concerne aussi bien les femmes que les hommes. C'est en cela que Christiane Taubira affirme que le féminisme est un humanisme. » ajoute Sophie Bruneau.

A l’occasion du BIFFF (Brussels International Fantastic Film Festival) en avril 2019, le collectif pointe encore une fois le peu de films de femmes dans la programmation : seulement 2 sur les 39 en compétition. « Elles font des Films » soulève ici un problème récurrent dans le milieu très genré du film fantastique. Dans un article publié sur le site de la RTBF, une réalisatrice membre du collectif s’indigne également face aux remarques sexistes criées durant les séances au BIFFF.

Depuis peu, le collectif « Elles font des Films » s'est élargi aux professionnelles du secteur cinématographique et compte désormais 200 femmes dans ses rangs, prenant des atours de lobby féminin du cinéma proactif et nécessaire. Les actions sur le terrain, les conférences, appels aux politiques et divers débats sont autant de leviers et d’incitations au changement.


Cet article fait partie de notre série consacrée à l’égalité et la parité. Il a été écrit avec l’aide de Sophie Bruneau, membre du collectif et réalisatrice.

 

Pour aller plus loin :

. lire l’article “La SACD s’engage pour l’égalité et la parité
. lire le “Petit précis de grammaire féministe” avec Laurence Rosier
. retrouvez l’intervention faite au dernier bilan de la production, de la promotion et de la diffusion cinématographiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles le jeudi 22 mars 2018 au Théâtre Royal des Galeries par le collectif “Elles font des films” sur le site de Bela : http://www.bela.be/billets/elles-font-des-films-lintervention
. le 21 juin, le collectif organise une table ronde au BRIFF

 

Retrouvez nos différents mots-clés ci-dessous pour retrouver tout ce qui a trait à l’égalité et la parité :

 

Focus sur le collectif "Elles font des Films"