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Laissez parler les p’tits objets : les Karyatides par Isabelle Plumhans

jeudi 22 décembre 2022

Alors que nous nous apprêtons avec joie et impatience à entamer une nouvelle édition de Noël au Théâtre, nous avons voulu plonger dans l'univers formidable du théâtre jeunesse et du théâtre d'objets, en compagnie de Karin Birgé et Marie Delhaye, de la compagnie des Karyatides. Nous les remercions chaleureusement d'avoir partagé avec nos leurs parcours, ainsi qu'Isabelle Plumhans qui a réalisé cet entretien passionnant.

 

Karine Birgé et Marie Delhaye se sont rencontrées au Conservatoire de Liège. Elles unissent leur amitié et leur amour des brols et autres choses magiques qui racontent, dans le théâtre d’objets. Avec la compagnie des Karyatides, celle de « deux femmes similaires mais pas identiques ». Pour la seconde fois pour le festival Noël au Théâtre, elles créent une nouvelle pièce. Après les Misérables, d’après Victor Hugo en 2014, c’est Géants – d’après, notamment, Rabelais  ̶  cette année.

Nous avons rencontré Karine dans les locaux de la MEDAA, pour discuter création, théâtre d’objets, amour des textes, complicités créatives et derniers raccords.
Bribes d’entretien.

D’abord, comment nait une compagnie de théâtre d’objets ?

À notre sortie du Conservatoire de Liège, Marie et moi avons rencontré Agnès Limbos, l’« Eddy Merckx » du théâtre d’objets. Mais nous sommes aussi et surtout des grandes amoureuses des objets, quels qu’ils soient. On a ce goût du recyclage, d’un travail plastique au plateau, bien que notre travail soit un travail d’acteur∙trices, et d’amoureuses de textes.

Les Misérables (NDLR : créé en 2014 et qui tourne toujours), c’est un coup de cœur de lectrice. J’ai découvert ce livre enfant, il m’a passionné. On choisit toujours une œuvre parce qu’on l’aime… puis on la trahit, on la transforme, on travaille sur sa langue. On peut parce qu’on travaille majoritairement avec des auteurs morts… On garde leur formule, mais pas leurs phrases, en quelque sorte. On essaie de faire un théâtre accessible à tous, aussi.

Pour Les Géants, ce qui nous a guidé c’est la fantaisie de Rabelais, et son actualité, puis le fait qu’on puisse construire un autre récit, sur base de ce qu’il avait créé.


Comment avez-vous fait pour créer ce nouveau récit ?

C’est une histoire collective, on a beaucoup de collaborateurs. Il y a Gil Mortio à la musique, Claire Farah à la scénographie. C’est Guillaume Istace qui signe la création sonore de cette dernière création. Robin Birgé, mon frère, accompagné de Félicie Artaud nous ont accompagné à la réécriture du texte.

Mais ça va plus loin. Il y a des personnes chez nous qui travaillent à l’administratif et la production/diffusion et qui amènent aussi des idées et des compétences sur le plateau. C’est le cas très concrètement dans les Géants avec un morceau de GRS qui a été coaché par un membre de l’équipe administrative.

Ce travail d’équipe est essentiel, parce que dans le théâtre d’objets, tout fait sens. C’est un théâtre de texte qui se traduit autrement, en tout cas chez nous. On veut laisser beaucoup de place à l’imaginaire. C’est un théâtre très artisanal. Il y a très peu de technologie, mais beaucoup de technique. On travaille beaucoup avec des matériaux pauvres, en réalité.


D’ailleurs, d’où vous est venue cette idée d’un autre théâtre ?

À notre sortie du Conservatoire, on a créé un spectacle de marionnettes, sans parole. Parce que ça nous amusait. Et puis aussi, comme je l’ai dit, on a ce goût des objets. On aime chiner, on adore les brocantes, les vide-greniers… Et c’est une façon vivante de recréer les classiques, aussi. Notre mot d’ordre, c’est réviser nos classiques, pour en faire quelque chose d’actuel. Même si parfois, on se dit qu’on préférerait ne plus devoir jouer les Misérables… Il est toujours si actuel !


Que pouvez-vous dire de ces Géants ?

C’est un spectacle qui revisite joyeusement les univers de Rabelais, avec un peu de Voltaire et de Thomas Moore. On insuffle à tout ça des échos d’aujourd’hui, bien sûr. On a eu à cœur, également, de glisser dans l’histoire des figures populaires de dessins animés, de films. Il y a de la gravité et de la drôlerie, dans Rabelais. C’est débridé, mais ça reste l’histoire de géants face à un peuple opprimé. Il est beaucoup question d’injustice, des différences générées par le monde dont on vient. C’est important de raconter ça aux enfants.

Mais il y a aussi beaucoup d’utopie, dans ce spectacle. On voulait s’éloigner du constat de ce qui ne va pas dans le monde actuel. On travaille nos spectacles, et celui-ci aussi, avec des couleurs chatoyantes et bigarrées. On a cette volonté de faire quelque chose de marrant mais également de réflexif. On a cherché à construire un ailleurs, quelque chose d’utopique. On le voit très bien dans le visuel de la pièce, avec l’île.


Concrètement, qu’est-ce que ça donne et comment cela s’est-il créé ?

Nous utilisons cette fois des marionnettes à gaines, qui pourraient paraître vieillottes mais qui ne le sont pas du tout. Visuellement, ce sont des personnages, ces marionnettes, pas des narrateurs. Il y a un jeu d’aller et retour entre les personnages. On a beaucoup affiné le travail sur les objets, on a travaillé avec Eugénie Obolensky, notamment, sur ce point, chinant jusqu’au bout des éléments de la scénographie. Notre travail est un travail de maturation. On pourrait dire que c’est un travail à feu doux, vu de l’extérieur, parce qu’on ne produit pas un spectacle tous les six mois !

Mais en fait, c’est un travail bouillant, bouillonnant. On fait des essais, des erreurs, c’est parfois laborieux, pas esthétique, alors on recommence. Il est vraiment nécessaire que plastiquement les objets fonctionnent entre eux, sur scène…. Il y a un vrai casting des objets, dans notre théâtre. Il faut les trouver, ou les créer, les transformer.

On vient du théâtre classique, on est des amoureuses de texte : il faut que le fond et la forme fasse absolument sens. Il y a donc beaucoup d’aller-retour entre le texte et le travail des images, entre le travail au plateau et le travail du texte. Au final, pour Les Géants, on a voulu créer un monde imaginaire, un monde en grand et en petit, mais un monde qui ressemble au nôtre, en plus inquiétant encore...


Isabelle Plumhans


Pour aller plus loin...

. Les Géants, Cie Karyatides, avec Cyril Briant et Marie Delhaye (en alternance avec Estelle Franco), mise en scène Karine Birgé, tout public à partir de 10 ans.

. Les 29 et 30/12, théâtre Les Tanneurs dans le cadre de Noël au Théâtre puis du 20 au 28 janvier au Théâtre Les Tanneurs.

Laissez parler les p’tits objets : les Karyatides par Isabelle Plumhans
Géants - crédit : Antoine Blanquart