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Hommage à Marion Hänsel

jeudi 11 juin 2020

La cinéaste Marion Hänsel nous a quittés. Elle nous laisse une œuvre puissante, exigeante, généreuse, « à la fois simple et mystérieuse » qui lui a valu une reconnaissance internationale et de nombreux prix, dont le Prix SACD Cinéma en 2013. Inès Rabadán lui rend hommage.


Se souvenir des films de Marion Hänsel

1982. J’ai 14 ans. Je présente en classe un exposé sur Le Lit. J’ai obtenu auprès du distributeur l’affiche et des photos du film, que j’ai collées sur le tableau vert. J’ai vu le film en salle peu avant. J’ai été touchée par la beauté des plans, des actrices, de l’acteur. Je me dis : on peut être une femme, vivre en Belgique, et faire des (beaux) films.
Bien d’autres que moi connaissent Marion et son cinéma. Mais c’est ce souvenir qui m’a fait oser accepter d’écrire ces quelques mots.

Les films de Marion Hänsel m’ont toujours impressionnée : on y sent un regard, et une oreille ; une attention. Un engagement exigeant. Le découpage, les mouvements de caméra, les ambiances sont celles d’une écriture tenue, presque austère. Et pourtant le souffle des paysages et la présence intense des corps rendent chaque seconde vibrante. Et comment elle inscrit les corps dans ces paysages !

Il me semble que peu de cinéastes réussissent à offrir une œuvre à la fois simple et mystérieuse. Dans ses films, Marion laisse beaucoup de place à nos pensées. Je me rappelle de moments précis, dans Si le vent…, ou Les Noces…, ou Dust, des séquences bouleversantes dans lesquelles les comédiens retiennent une émotion qui explose dans notre cœur.

Marion a su ouvrir son cinéma sur le monde. Elle a fait le voyage et filmé des pays, des cultures, des actrices et des acteurs d’ailleurs, avec une curiosité, une ouverture d’esprit, une audace aussi, qui forcent le respect. Elle a parlé de l’eau qui manque, de l’agonie, des migrations, avec la puissance qui était la sienne.

Marion était actrice, grande lectrice, scénariste, productrice et réalisatrice. Je pense que c’était une bosseuse. Bosseuse et intrépide : dans le beau film-portrait réalisé par Caroline d’Hondt (Au-delà des nuages, le cinéma de Marion Hänsel), Suzy Rossberg raconte avec humour son désarroi de monteuse face à des plans séquences, parfois en une seule prise, et sans contre-champ : Marion « ne se couvrait pas ».

C’est un bonheur de penser que nous pouvons revoir ses films. Marion a une patte. Elle nous raconte des histoires terribles et réussit à nous dire la tendresse. Ses récits sont faits de silences, et d’éblouissements. Elle nous emmène en pleine mer, ou dans son inverse : le désert. Elle nous propose des aventures. Elle s’en est donné la liberté, en produisant elle-même ses films – et les films d’autres cinéastes, avec générosité.

À la revoir et la réentendre ces jours-ci, je me dis qu’elle n’a pas fini de nous inspirer.


Inès Rabadán

 

Hommage à Marion Hänsel
D.R.