Accéder au contenu principal

Lumière sur Daphné Huynh, Prix SACD Radio 2024 pour ses chroniques

Vendredi 2 Mai 2025

À travers ses « Morning routine », l’autrice qui reçoit cette année le Prix SACD Radio prouve « qu’il s’agit bien d’un art que celui de la chronique radio » et, avec sa plume, « que l’humour est une intelligence qui unit les plus belles résistances ». Daphné Huynh, autrice et comédienne, connue pour son œuvre Ma Bimbosophie, artiste de cabaret familière du burlesque et instagrameuse, nous fait l’honneur de recevoir ce prix pour la « fulgurance [de ses] mots ». Découvrez l’éloge du Comité belge ainsi que son portrait, signé Cécile Berthaud.

L'éloge du Comité belge 

... car oui, il s’agit bien d’un art que celui de la chronique radio. Avoir belle plume n’y suffit pas : bien des écrivains connus et reconnus, se sont retrouvés comme des rois déshabillés par la lecture à l’antenne de leur prose...

Il faut avoir une voie et une voix pour y réussir : Daphné Huynh a les deux, et bien plus encore.

Là où l’on pourrait se dire que pour faire le buzz, seul l’art de la provocation peut suffire, la comédienne et autrice prouve que l’humour est une intelligence qui unit les plus belles résistances, et notamment dans le premier des combats : le féminisme.

Daphné pratique à merveille les six concepts évoqués dans la phrase précédente, mais aussi, dans la pratique de l’effeuillage et du burlesque a-t-elle appris l’art de ne montrer que ce que l’on veut montrer, dans la mise à nu d’un personnage qu’on a construit comme pour se moquer tendrement du regard de l’autre.

Comme le dit le philosophe, l’ironie ne fonctionne que parce qu’elle se fabrique en faisant confiance à l’intelligence de l’autre. Daphné, dans ses courts textes, nous rend confiant·e·s en tant qu’auditeur·ice·s dans nos possibilités d’être des êtres subtils et qui comprennent ce qu’on leur dit. 

Par ce prix décerné pour la première fois ici à la fulgurance des mots d’une chroniqueuse radio, nous faisons aussi un clin d’oeil de soutien à la cohorte précaire des soi-disant « petites mains » du secteur des médias, qui en assurent la fabrication et la qualité, au prix d’un engagement qui n’a pas de prix.

David Chazam, membre du Comité belge de la SACD


Daphné Huynh, Onde de choc


© Vlad VDK

Son art du burlesque jumelé à sa maîtrise consommée des réseaux sociaux font que Daphné Huynh avait tous les atouts en mains pour exceller dans l’art périlleux de la chronique radio, option ça dépote.

Récemment arrivée sur les ondes pour une chronique radio dans Matin Première, Daphné Huynh y est comme un poisson dans l’eau. Payée pour être impertinente, un rêve de gosse pour celle qui a plutôt subi sa scolarité. « Je n’ai jamais aimé être à l’école. Quand j’ai été admise au Conservatoire de Bruxelles, j’étais contente, même si à la base je visais plutôt Paris. Mais une fois entrée, je n’avais qu’une hâte : en sortir », résume de son débit ferme et rapide la comédienne multifacette. Si elle concède qu’elle y a appris pas mal de choses, elle était assez frustrée que le terrain de la comédie ne soit que très très peu exploré, et de façon très classique « avec Marivaux ou Molière ». Après le Conservatoire, c’est « le grand saut dans l’inconnu, comme pour tous mes camarades des écoles d’art. On y apprend plein de chouettes choses techniques et théoriques, mais pas à appréhender l’après, les contrats, l’administratif, le statut d’artiste, etc. Ça, ça se fait sur le terrain. Et ce sont aussi les castings, à droite, à gauche. Heureusement, j’en avais déjà fait pas mal pendant mes études, j’avais déjà pris mes premières gifles.

Cabaret et pole dance

 « À cette période-là, je me suis aussi beaucoup  investie dans la danse – le cabaret et la pole dance – parce que… je voulais reprendre le sport. » Elle accroche au point de cofonder une école de pole dance. Elle y donne cours durant plusieurs années et joue régulièrement au Cabaret Mademoiselle. « Ça compensait l’irrégularité du métier de comédienne. Comme ça je travaillais tout le temps dans l’artistique, et ça me faisait faire mes armes. Cela m’a permis de me décomplexer par rapport à mon corps à un âge où on est pétrie de complexes. J’ai appris à jouer avec ma féminité et avec la séduction. Et mine de rien, j’ai fait un petit tour de l’Europe avec mes numéros, j’ai rencontré plein de monde. » Elle continue de pratiquer aujourd’hui, mais en loisirs, plus de façon professionnelle.

Succès de « Ma bimbosophie »


© Vivien Ghiron

Son énergie conquérante l’a amenée à vouloir créer son propre spectacle humoristique. Il y a trois ans, elle commence le stand-up pour se faire la main, tester, expérimenter. « Je voulais écrire mes textes, voir ce que j’avais à dire, comment c’était reçu et rencontrer d’autres personnes du milieu. L’idée de mon spectacle a germé et Nathalie Uffner, directrice du TTO, m’a fait confiance », raconte la Bruxelloise. En novembre 2023, la première de « Ma bimbosophie » a lieu. Daphné Huynh a 30 ans, c’est son premier seule-en-scène et l’accueil public et critique est enthousiaste. Ce mélange gonflé de réflexion sociologique et philosophique menée en froufrous roses fait mouche. Elle a mis son pied (perché sur talon de 12 cm) dans la porte au point qu’elle sort, en ce printemps 2025, de cinq mois de tournée et que « Ma Bimbosophie » est déjà programmée pour la saison prochaine.

La « Morning routine » ou comment dompter l’inspiration

Mais la zone de confort n’est pas dans son modus operandi. Alors quand elle voit passer, l’année dernière, l’appel à candidatures de la RTBF pour de nouveaux, nouvelles chroniqueuses radio, elle postule. « Ça me permet de montrer une autre facette de moi qui n’est pas postable sur les réseaux [où elle est très active et installée, NDLR]. Quand on écrit, il est assez difficile de partager ses textes. Et moi j’aime écrire depuis toute petite, mais j’ai dû mettre cette passion-là de côté pendant mes études au Conservatoire et mes premiers pas sur scène », explique-t-elle. La voici donc au micro, depuis septembre 2024, un jour par semaine dans Matin Première avec « La morning routine de Daphné Huynh ». Un exercice pas facile puisqu’il faut trouver quelque chose à dire chaque semaine. « J’ai mis du temps à trouver mon rythme de croisière, puisque comme tous mes autres collègues, on a d’autres métiers et donc il nous faut jongler avec nos horaires qui fluctuent, arriver à bloquer des moments et à forcer l’inspiration. Je me suis mise beaucoup de pression toute seule au début, à dormir parfois très tard… ou pas du tout. Mais ces dernières semaines, j’arrive à lâcher un peu du lest et à anticiper ce dont je vais parler si jamais il n’y a pas une actualité incontournable. C’est une expérience qui m’apprend beaucoup, et mon style s’affine au fil des chroniques, je crois », raconte-t-elle. Ce prix de la SACD l’a surprise « car on ne postule pas, ça arrive comme ça. Je suis très touchée et heureuse. Ça me pousse à continuer dans la bonne direction. Et puis je me dis que mes nuits sans sommeil ne sont donc pas vaines ! », conclut-elle dans un grand éclat de rire.



Propos recueillis par Cécile Berthaud

Pour aller plus loin 

 
©Vizual Studio

Lumière sur Daphné Huynh, Prix SACD Radio 2024 pour ses chroniques

© Lou Verschuere

Daphné Huynh est actrice, humoriste, scénariste, chroniqueuse et touche depuis à toutes les disciplines, que ce soit le théâtre, le cinéma, la danse, la voix-off, le doublage, l’écriture et la création de vidéos sur Instagram (@itsdaphnebitchhh). Son one-woman show MA BIMBOSOPHIE s’est joué à guichets fermés au Théâtre de la Toison d’Or, et sera repris en 2026. D’ici là, vous pouvez écouter ses chroniques tous les vendredis sur La Première.